LE VAL D'ARGENS (83)

Une miette du Maghreb

Espace Naturel Sensible

Dernier ressaut du rocher de Roquebrune, le plateau de San Luen s'est trouvé coupé du village du Muy depuis la construction de l'autoroute. "Bordé par la D25 et le défilé des Bagarèdes creusé par l'Argens, il présente, dans un espace réduit, des milieux très particuliers que l'on peut comparer à certaines régions d'Afrique du nord", explique Denis, notre guide. "C'est une petite miette du Maghreb, égarée en Provence."

 

 

"Les eaux de ruissellement forment des rus et des oueds durant quelques jours ou quelques mois par an, permettant l'implantation d'une flore spécifique, comme l'isoète, une fougère archaïque parfaitement adaptée au milieu aquatique, ou le polypode vulgaire, cette autre fougère aux longues tiges souterraines, appelée aussi réglisse des bois, des orchidées comme la spirante d'été, ou encore le jonc maritime."

le nombril de Venus (appelée aussi oreille d'abbé), qui vit également en zone humide. Une succulente qui s'incruste dans les interstices des murs et des rochers. Dans ses feuilles arrondies en forme de cupule, elle recueille la rosée de la nuit qui s'écoule en son centre, le long de sa tige creuse. Dès avril-mai, elle arbore une hampe garnie de petites clochettes d'un blanc verdâtre.

CONQUETE DU VEGETAL SUR LE MINERAL

"Ici, le monde végétal a conquis l'univers minéral, et on peut l'observer à tous les stades : des algues, lichens et mousses aux pelouses, maquis avec cistes, arbousiers, genévriers... Jusqu'aux pins et chênes. Le Muy possède la plus belle forêt de pins parasol située aussi loin de la mer." On y rencontre trois espèces de chênes : le chêne pubescent, qui préfère le sol calcaire, mais s'accomode à San Luen d'un terrain siliceux, et dont les feuilles sèches ne tombent qu'au printemps ; le chêne vert ou yeuse au feuillage persistant, et le chêne liège. Ce dernier, hôte du massif des Maures depuis près de 7000 ans, présente une grande résistance au feu, ainsi que la capacité de se régénérer après un incendie.

Les cistes de Montpellier, étamines jaune vif sur pétales blancs, se mêlent aux plantes aromatiques : lavande à toupet ou lavande papillon, aux fleurs en épi surmontées de bractées mauves ; aneth aux larges ombrelles jaunes ; menthe poivrée, qui serait le croisement de la menthe verte et de la menthe aquatique, et dont on extrait l'huile essentielle. Parmi les arbustes : l'alavert dont le fruit ressemble à une petite olive ; le genévrier oxycèdre ou cade, dont les grosses baies prennent une teinte brune à maturité.  "On le reconnait facilement à ses aiguilles, vertes d'un côté, et de l'autre offrant deux petites lignes blanches. Il était brûlé dans des fours  en pierres sèches pour en isoler l'huile, utilisée pour les soins externes aux animaux, contre les parasites ou les affections cutanées, ou encore dans la fabrication du shampoing et du savon. Qui se souvient des publicités pour le "savon Cadum" du début du siècle dernier ?

 

 

La bruyère arborescente abonde. L'une des plus grandes bruyères d'Europe, qui atteint couramment les deux mètres de haut. Dès février-mars, elle se couvre de petites clochettes blanches. "Sa souche sert à la fabrication de fourneaux à pipe, grâce à son bois résistant au feu et inodore. On en réalise encore à Cogolin, en plein coeur du massif des Maures." 

"Depuis une dizaine d'années et à la faveur de la sécheresse, le figuier de Barbarie prolifère, importé par les oiseaux migrateurs : conséquence tangible du changement climatique." Les hautes falaises de l'Argens hébergent le hibou grand duc et des colonies de chauves-souris, dont le molosse de Cestoni.

En contrebas, le couloir de l'Argens emprunté par les palombes pour rejoindre la Camargue, l'Espagne ou le Maroc, est bordé par une ripisylve exubérante, où s'élèvent peupliers, ormes, aulnes, frênes et saules blancs. On peut encore y observer la buse et l'hirondelle de rocher, qui niche dans les falaises.

tortue de Hermann
tortue de Hermann

 La tortue de Hermann vit en France continentale dans le massif des Maures. Son territoire, menacé par les incendies, l'extension  des zones industrielles et des lotissements, et bientôt par la L.G.V. Paris-Nice, s'amenuise sans cesse, mettant chez nous l'espèce en danger. La S.O.P.T.O.M. (Station d'Observation et de Protection des Tortues et de leurs Milieux) a ouvert en 1988 le Village des Tortues de Gonfaron. 

 En savoir plus  

 

 La couleuvres de Montpellier, le plus grand serpent d'Europe (elle peut dépasser les 2 mètres de long) et le plus lourd (jusqu'à 3 kilos), chasse à vue, et se nourrit de lézards, oiseaux et petits mammifères. Inoffensive pour l'homme, sa morsure reste cependant très douloureuse. Officiellement protégée, elle est souvent victime du trafic routier.

rainette méridionale
rainette méridionale

 

 La rainette méridionale, très petite (5 à 6 cm), possède des doigts à ventouses, ce qui lui permet de jouer les équilibristes. "On peut la découvrir relativement loin d'un point d'eau, et elle peut parcourir jusqu'à 7 kms par jour." Elle chasse plutôt la nuit, moustiques, mouches, fourmis, limaces et araignées. La journée, elle se tient souvent immobile, perchée sur une branche ou une feuille.

LE CASTRUM DE MARSENS

A l'extrême sud du plateau et en aplomb de la falaise, se dressent les ruines du castrum de Marsens. "Habité sans doute au néolithique, puis occupé par les romains (on a retrouvé quelques poteries et monnaies), le site a surtout conservé les vestiges des constructions édifiées au 11ème siècle." Les fouilles archéologiques ont révélé la présence au Moyen-Age d'un ensemble fortifié comprenant chapelle, château, tour, murailles... Un sentier escarpé, au sud-est, descendait jusqu'à l'Argens. A l'époque, les vicomtes de Fréjus, propriétaires de la forteresse, contrôlaient d'ici une partie de la vallée de l'Argens. Il n'est pas rare aujourd'hui d'apercevoir un promeneur armé d'un détecteur de métaux, s'aventurer dans les ruines avec précaution, car le sentier frôle dangereusement le vide, et les chutes de pierres sont toujours possibles. "Des recherches fructueuses ? - Pas pour l'instant... Mais sait-on jamais ?"