Un monde sans pétrole... Peut-on l'imaginer ?
L'or noir, découvert en 1900, constitue la base de nos sociétés industrielles et de nos modes de vie. Pour combien de temps encore ? Pour une cinquantaine d'années, estime-t-on en général. "Dans 50 ans, il y aura encore du pétrole, mais il sera difficile de maintenir la même capacité de production", explique Benoit Thévard, ingénieur et spécialiste des questions d'énergie, à Aups en mai 2014. Une bonne raison d'entrer dans une réelle transition énergétique, impliquant un bouleversement profond de nos raisonnements et comportements quotidiens.
UNE ENERGIE FONDAMENTALE AU DECLIN INELUCTABLE
Formé par accumulation de micro-organismes végétaux piégés au fond des océans, et recouverts de couches successives de sédiments il y a des centaines de millions d'années, le pétrole est aujourd'hui fondamental pour notre économie. "Il représente chez nous 46% de nos énergies", précise Benoit, "contre 20% pour le gaz, 9% pour les déchets et biomasse, 3% pour le charbon. La part de l'électricité est de 22%, dont 16,5% issus du nucléaire. En France, 98% du pétrole sont importés".
Si les découvertes se chiffrent par dizaines de milliards de barils par an dès la première moitié du 20ème siècle, elles ne cessent de diminuer depuis 1960, et il ne s'agit plus que de 5 à 10 milliards de barils par an aujourd'hui. Et nous en consommons plus de 30 milliards par an.
"En croisant les données d'experts indépendants, on obtient les seuls chiffres fiables quant aux réserves existantes, soit 1500 milliards de barils, dont un tiers de pétrole lourd, plus difficilement exploitable : avec un coût plus élevé, une vitesse d'extraction plus lente, et des contraintes environnementales plus importantes.
La capacité de production (de l'extraction à la distribution, en passant par le transport et le raffinage), va obligatoirement chuter.
Depuis le début de l'ère du pétrole, nous avons déjà consommé 1300 milliards de barils (un baril = 159 litres), et en 2013, la production mondiale s'est élevée à 32 milliards de barils".
La baisse n'affectera pas que la capacité de production, mais également l'énergie nette, soit la différence entre la quantité d'énergie utilisée pour la production, et la quantité obtenue. "En 1930, il fallait investir un baril pour en récupérer 100. Aujourd'hui, un baril ne permet plus d'en obtenir que 15. A titre d'exemple, le rapport pour les sables bitumeux est de 1 à 3, et de 1 à 1 pour l'éthanol de maïs..."
A PARTIR DE QUAND LE DECLIN DES ENERGIES ?
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Les énergies renouvelables ? Comment pourraient-elles seules, subvenir à nos besoins actuels ?
"Nous sommes devenus très dépendants de l'énergie, comme tout le système économique... Ce que font semblant de ne pas comprendre nos dirigeants, car envisager un développement de l'économie aujourd'hui, risque de poser un certain nombre de problèmes..."
Une dépendance dont nous nous rendons d'autant moins compte, que cette énergie est quasi-gratuite. "Chaque français consomme environ 48000 kWh par an, que ce soit en énergie directe où celle qui permet la production de biens et services auxquels il a recours. Ce qui équivaudrait à 10 millions d'euros au prix d'un travail au smic, mais revient "seulement" à 38 000 euros au prix de l'essence. A l'heure actuelle, le prix du pétrole est sur un plateau ondulant, mais il est impossible de le prédire à l'avenir".
REDEFINIR L'AVENIR : UN FUTUR OU LES CITOYENS SE PRENNENT EN MAIN
Nous sommes confrontés à de nombreux problèmes :
"Ce qui est certain", affirme Benoit, "c'est qu'il n'existe pas de solution miracle. Et faut-il remplacer le pétrole par une autre source d'énergie abondante, disponible et bon marché ? Il semble plus logique d'engager une transition valable sur un nouveau modèle économique et politique, où la population est impliquée. De construire une vision positive d'un territoire sur lequel nous avons envie de vivre, en tenant compte des contraintes. Et d'appliquer "la politique des petits pas", en réalisant ce que l'on peut mettre en oeuvre dans l'immédiat".
Pour assurer nos besoins alimentaires et fonctionnels, Benoit a proposé quelques pistes d'action, soulignant qu'il reste
essentiel de les réduire, de partager, et d'inventer des réponses
locales.
Une stratégie alimentaire qui privilégie un approvisionnement de proximité et de saison. Qui assure le ravitaillement des villes. Qui utilise la restauration collective. Et un changement de modèle agricole. "Aujourd'hui l'agriculture conventionnelle pollue, détruit les sols et consomme beaucoup d'énergie fossile avec engrais, pesticides et engins agricoles".
En ce qui concerne les déplacements : améliorer l'accessibilité aux différents services. Créer un réseau de transport indépendant du pétrole. "Le transport par rail est nettement plus intéressant que sur route". Optimiser le taux d'occupation des véhicules. Adapter le transport en commun à la demande. Utiliser diverses sources d'énergie. "Certes, il ne pourra pas y avoir 2 voitures électriques dans chaque garage pour aller à l'autre bout de la France le week-end... mais on peut imaginer un parc de véhicules électriques partagés par l'ensemble des habitants, dans chaque village du Verdon par exemple".
LA TRANSITION SUR LE TERRITOIRE DU VERDON
"Comment allons-nous vivre dans le Verdon, alors que nous ne misons que sur le tourisme ?" s'enquiert Antoine Faure, le maire d'Aups.
"Vous avez l'avantage d'être une région peu industrialisée, dans un territoire préservé, avec une grande disponibilité de ressources naturelles, et une densité de population très faible. L'une des difficultés sera peut-être le déplacement", répond Benoit.
Un problème repris par Suzanne Gioanni, co-directrice du PNR du Verdon. Elle insiste sur le fait que 40% des habitants travaillent en dehors du territoire. "Au niveau des communes, nous pouvons travailler sur le document d'urbanisme", fait-elle remarquer. "Là, nous sommes au coeur du sujet : où construire, quelle place pour l'agriculture, comment se déplace-t-on pour accéder aux commerces, à l'école... Par ailleurs, nous avons mis en place un fond de soutien pour les associations de citoyens qui veulent mener des actions à leur niveau, comme la réalisation de jardins partagés, par exemple...